La santé mentale chez les doctorants


Après une action de sensibilisation auprès de l’Ecole Doctorale de Montpellier en novembre, Belpaeme Conseil souhaite continuer d’informer largement sur un sujet crucial parfois mis de côté : la santé mentale des doctorants.

Ces dernières années plusieurs études successives se sont intéressées à la santé mentale des doctorants. L’une d’entre elles, menée auprès de 2000 doctorants toutes disciplines confondues, a révélé qu’un cinquième d’entre eux ont un score de stress perçu supérieur au seuil pathologique (Hagg, 2012). Les difficultés qu’ils rencontrent sont multiples : financières, pressions de l’entourage, pressions du laboratoire, solitude sociale et intellectuelle, incertitude pour leur avenir… Selon Nathan Vanderford, doyen à l’Université du Kentucky (dont les recherches portent sur la santé mentale des étudiants), des demandes fréquentes avec l’impression de ne pas avoir les moyens pour y répondre, un manque de clarté sur leur avenir professionnel, ainsi qu’un manque de soutien augmente encore leur niveau de stress.

Les stratégies de coping

Ils ne peuvent alors pas mettre en place les stratégies de coping (gestion du stress) adaptées, en se centrant sur le problème ou en bénéficiant de soutien social et émotionnel. C’est certainement la raison pour laquelle les doctorants évoquent le parcours doctoral comme étant « rempli d’obstacles, un rite de passage éprouvant qui nécessite de l’endurance et de la ténacité » (L. Gérard et M. Nagels, 2013).

Pour faire face au stress, beaucoup témoignent que la consommation de produits excitants comme le café, l’alcool, les boissons stimulantes fait partie de leurs habitudes. Une étude à l’aide d’un questionnaire en ligne sur les réseaux sociaux auprès de 438 doctorants indique que ceux qui affirment avoir consommé davantage de produits depuis le début de leur doctorat évaluent également leur niveau de stress de manière élevée, parlant parfois même d’addiction (L. Gérard et M. Nagels, 2013). Avec ces constats répétés, il est impossible pour les encadrants comme pour les universités de ne pas engager des actions pour aider les doctorants à traverser leurs années de thèse dans les meilleures conditions possibles.

stress doctorants comics

La prévention à tous les niveaux : équiper les encadrants

Plusieurs types d’action de prévention peuvent être envisagées pour éviter les stratégies de coping inadaptées et permettre la mise en place de bonnes stratégies. On peut par exemple penser à un travail en partenariat avec les services de santé des universités, qui peuvent offrir à la fois un soutien émotionnel avec une écoute bienveillante, mais aussi des conseils en rapport avec l’addiction.

Néanmoins, les personnes les plus susceptibles de contribuer au bien-être des doctorants et donc à la réussite de leur thèse et leur insertion professionnelle sont les managers de proximité, c’est-à-dire les encadrants. Bien évidemment, il n’est pas attendu qu’ils puissent diagnostiquer un trouble de la santé mentale directement. Cependant, les former à reconnaître quelques signaux d’alarme, à repérer des changements de comportements significatifs (un doctorant qui ne respecte pas les dates limites, qui s’isole du groupe, qui est plus absent, qui perd le sommeil, qui semble ne plus prendre plaisir à ses activités quotidiennes…), et à savoir où diriger la personne pour recevoir le soutien approprié est un premier pas vers l’amélioration de la santé mentale des doctorants. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que c’est une action prioritaire.

Des métiers-passion

C’est d’autant plus important que les doctorants reconnaissent qu’avoir un encadrant lui-même passionné, partageant sa vision, est un atout pour réduire les risques et pour la réussite de leur thèse. Après tout, nombreux sont ceux qui affirment que malgré les difficultés, la carrière de chercheur est la plus belle qu’ils puissent poursuivre. Bien que ce soit encore peu reconnu dans le monde académique, prendre en compte les risques pour la santé mentale des doctorants ne devrait pas rester du domaine du non-dit.

Avec autant d’étudiants et de chercheurs passionnés, prendre des mesures adaptées dès l’époque de la thèse est le meilleur moyen d’assurer des conditions de travail agréables pour tous, en offrant l’opportunité à ces générations d’apprendre à gérer la pression et les difficultés pour éviter l’apparition des troubles mentaux, ou trouver rapidement l’aide adaptée. L’idée étant de créer un cercle vertueux, puisque les doctorants d’aujourd’hui sont les encadrants de demain…

… par Audrey Richard.

Audrey Richard bis