“Nos esprits oublient rapidement les tâches finies. Cependant, ils sont programmés pour nous rappeler incessamment celles que nous ne terminons pas.” – Dr. Bluma Zeigarnik
Baisse de productivité, fatigue, erreurs, ambiance de travail dégradée… peuvent être des indicateurs d’une charge mentale importante, voire surcharge mentale. Nous vous donnons ici quelques explications ainsi qu’une première piste simple et efficace pour la réduire. Il y a trois facteurs à prendre en compte pour expliquer la charge mentale : la capacité de l’opérateur (vous), les ressources mobilisables par l’opérateur, et la performance atteinte (Martin, C., Hourlier, S. & Cegarra, J. (2013). La charge mentale de travail : un concept qui reste indispensable, l’exemple de l’aéronautique. Le travail humain, vol. 76(4), 285-308. doi:10.3917/th.764.0285).
1) La capacité de l’opérateur : l’étendue des informations que vous pouvez retenir et traiter en même temps.
Tout le monde possède une limite non négociable. Ce serait comme tenter de programmer tous vos rendez-vous importants, personnels et professionnels, le lundi à 9h. On comprend facilement l’impossibilité de se trouver à 3 endroits en même temps, même avec Skype ou Facetime. On n’admet moins que notre cerveau, lui non plus, n’a pas la possibilité de se dédoubler pour « répondre à l’e-mail de Valérie » et « penser aux slides à préparer pour la réunion de demain » simultanément.
2) Les ressources mobilisables par l’opérateur : l’énergie disponible pour vous donner les moyens d’accomplir la tâche.
Dépenser cette énergie demande un investissement parfois coûteux. Cette investissement ou motivation est d’ailleurs plus ou moins fort selon les émotions ressenties à l’instant T (joie, agacement, fatigue…). Chacun pèse alors subjectivement (et intuitivement) le niveau d’exigence de la tâche et comment BIEN l’accomplir.
3) La performance atteinte : l’efficacité ou vérification du bon accomplissement de la tâche selon vos critères de réussite.
Autrement dit être sûr que c’est assez bien fait pour que vous puissiez oublier et passer à autre chose. Pensez au serveur qui ne prend aucune note de la commande d’une table de 6 personnes. Il retient tout jusqu’à amener les plats, puis oublie tout une fois l’addition payée. Comment fait-il ? Il compte sur l’effet Zeigarnik, du nom d’une psychologue russe élève de Kurt Lewin, un des fondateurs de la psychologie du travail. Elle a confié une vingtaine de tâches basiques à un groupe de personnes, puis a interrompu la moitié en cours d’exécution pour leur faire faire autre chose. Elle a laissé finir l’autre moitié. Puis elle a réuni tout le monde et demandé quelles tâches ils se souvenaient avoir fait. Les personnes du groupe ayant été interrompues se souvenaient deux fois mieux des tâches inachevées que de celles qu’ils avaient terminé…
Pour votre cerveau, tant que la tâche n’est pas terminée, il faudra potentiellement la continuer à l’avenir. D’où l’effort supplémentaire alloué à la mémorisation de la tâche en question ! Tout le monde tend vers une séparation travail/hors travail, mais la réalité est que votre cerveau travaille en votre faveur et retient TOUT. Du moins tant que la tâche n’est pas finie de façon satisfaisante.
Comment diminuer sa charge mentale ?
Offrez-vous un assistant. Ou plutôt devenez votre propre assistant. Comment ? En écrivant vos tâches sur une liste, puis en vous « envoyant » accomplir les tâches les unes après les autres au moment voulu. En dédoublant ainsi votre attention, vous agissez comme votre propre assistant personnel. On ne parle pas ici d’une simple liste de choses à faire gribouillée sur un post-it. Des années en arrière ça pouvait suffire, mais la vie s’est accélérée, et les demandes de votre environnement professionnel et familial augmentent. La clé de la réduction de votre charge mentale c’est donc d’écrire une liste de tâches :
- Exhaustive
- Précise
- Détaillant les étapes de réalisation (ou au moins la première action)
Être exhaustif, cela signifie coucher sur papier les choses à faire aussi bien pour vous/la famille/les amis, que pour le travail. A vous de décider si vous écrivez tout au même endroit ou si vous séparez les domaines. Ce qui compte c’est que vous ne gardiez pas en tête certaines de ces tâches parce qu’elles vous semblent faciles à retenir, ou moins importantes.
Être précis c’est nommer la tâche de façon claire et ciblée. Par exemple ce n’est pas juste écrire « finir le dossier X » mais « récupérer les informations nécessaires pour compléter telle partie du dossier X ». Enfin détailler les étapes c’est écrire deux ou trois sous actions à réaliser pour compléter la tâche. Pour reprendre l’exemple du dossier X : « appeler Corinne pour avoir telle information », « vérifier telle adresse de fournisseur », « envoyer une copie à Gérard ».
Ainsi vous arrivez à la fois à être l’opérateur, mais aussi l’assistant. Votre cerveau sachant où trouver la liste des tâches à accomplir et comment les accomplir, peut les oublier en toute tranquillité jusqu’au moment de s’y mettre. Surtout, allez jusqu’au bout, sous peine de ne pas avoir l’esprit libre à cause d’une tâche non finie ! Sinon, notez là, et comment la finir. Choisissez un moyen qui vous convient réellement, pour être sûr de le faire régulièrement.
L’effet bénéfique de l’écriture a d’ailleurs été prouvé par une étude de l’Université de Chicago, qui a démontré qu’écrire à propos d’une tâche source d’anxiété permet de réduire l’impact négatif du stress sur la performance à cette tâche (G. Ramirez and S. Beilock, Writing about testing worries boosts exam performance in the classroom, Science 331, p211-213 (2011)). Alors sur du papier ou sur votre smartphone, écrivez pour décharger votre cerveau !